À l’occasion de ArtGenève, le Flux Laboratory présente Nature & Body et donne carte blanche à trois artistes qui présenteront leur travail en lien avec la nature sous la forme de vidéos et de performances.

 

 

Une minute de danse par jour de Nadia Vadori-Gauthier 

 

En janvier 2015, suite à l’attentat à Charlie Hebdo à Paris, la chorégraphe Nadia Vadori-Gauthier a décidé d’initier un acte de résistance poétique, Une minute de danse par jour, afin de répondre par le sensible à ce contexte difficile et de ne pas céder à la peur ou à la sidération provoquées par le choc des évènements.

 

Elle a choisi d’engager ses outils de danse-performance dans les espaces du quotidien, pour les partager avec d’autres et croiser les corps et les regards, portée par la nécessité de créer des liens et de faire circuler la vie. Elle s’est engagée dans ce qu’elle croyait alors être une action instantanée et éphémère, sans se douter qu’elle était en train d’initier une aventure au long cours tissée d’éléments de l’actualité.

 

Une minute de danse par jour est un acte quotidien de résistance poétique, impliquant la danse et la vidéo. Il engage le corps en relation à des contextes, des circonstances, des environnements. Sa réalisation implique de danser chaque jour une minute dans les espaces du quotidien, extérieur ou intérieur, avec ceux qu’elle croise : artistes, amis, inconnus, commerçants, agents de la ville, personnes âgées, étudiants. Et de publier les danses en ligne le jour même sur Internet et sur les réseaux sociaux.

 

Une minute de danse par jour questionne également la place de la danse dans différents espaces du quotidien, dont l’espace urbain. Dans certaines danses, le corps s’incorpore aux matériaux de la ville (mobilier urbain, architecture...) ou aux gestes de ceux qui y travaillent, afin de déplacer les habitudes de regard, de jouer avec l’inscription du corps dans l’espace et de voir ce que peut la danse, en termes de médium esthétique - somatique, poétique - politique d’expérience et de transformation. Chaque danse témoigne d’un jour particulier et de leur succession. Petit à petit, s’élabore une série, qui à l’instar d’un journal, s’inscrit dans une historicité se tissant à la fois d’éléments privés et publics, intimes ou collectifs.

 

Ce projet constitue au fil du temps un témoignage dansé de notre époque.

 

 

One One One de Ioannis Mandafounis 

 

Les chorégraphes et danseuses Anne-Charlotte Hubert et Audrey Dionis ont interprété One One One est une création conçue par le danseur et chorégraphe Ioannis Mandafounis. Deux chaises attendent deux spectateurs, les invitant à vivre un moment unique pendant lequel deux interprètes danseront pour eux. À travers One One One, les danseurs entraînent les spectateurs dans une expérience inconfortable, mais éveillante. Ils traduisent et transforment les sentiments du public, proposant une nouvelle expérience de danse. Avec un humour subversif et des mouvements changeant sans cesse, les deux danseurs tissent un éventail complexe d'émotions et d'images et créent un moment magique d'interaction avec le public: une expérience qui remet en question les rôles et les frontières et qui, bien que publique, reste totalement privée.

 

Durant l'été 2021, le Flux Laboratory Athens a invité le cinéaste Yannis Karpouzis à accompagner les danseursDespina Sanida-Krezia, Leda Diochnou, Thanos Ragkousis et Symeon Tsakiris tout au long d'une expérience de danse en Grèce: une série de performances a suivi une route maritime imaginaire: du port de Spetses, aux pentes de Dimitsana, au lac de Stymphalia, au village montagneux de Vyzitsa, à la lagune de Messolonghi et aux eaux de l'île de Tinos.

 

Le spectacle s'est déroulé "dehors": dans les petites zones montagneuses qui s'étendent au-dessus des rivières, sous les platanes millénaires, près des sources d'eau, des eaux salées ou des ports animés. La performance s'est déroulée "là-bas" avec les gens; avec les résidents, les voyageurs, les visiteurs, qui ont été invités à s'asseoir sur une chaise, pleinement connectés avec leur corps et leur esprit. À travers une pratique performative se déroulant dans la nature, le projet s'appuie sur la nécessité de remettre en question la notion d'attention, en particulier à une époque caractérisée par la saturation et la surcharge sensorielle. Sous la forme d'une expérience, One One One plonge dans le discours de "l'écologie de l'attention", nous rappelant les rythmes corporels naturels que la technologie et la vie accélérée nous ont appris à abandonner. 

 

La caméra de Yannis Karpouzis a documenté le processus, ce qui a donné lieu à une série de documentaires expérimentaux sur la procédure de performance, entrelaçant le mouvement de la danse et les corps dansants, avec les corps des spectateurs - participants et leurs paysages.

 

 

Why this now? Water de Lucie Eidenbez

 

L'artiste chorégraphique Lucie Eidenbenz propose, à travers son travail, d’expérimenter différentes manières d’habiter la terre. Elle convoque la convivialité inter-espèces, l’hybridation, l’exploration d’un monde végétal avec lequel s’entrelacent nos existences, et la façon dont les éléments naturels se manifestent dans les dimensions physiques, sociales et mentales de nos vies.

 

Why this now? est une série filmique d’une durée de 27 mn, tournée dans son intégralité à Genève. Elle se compose de 4 épisodes: FIRE, WATER, EARTH, AIR. L’épisode Water (durée 8 mn) est celui présenté à ArtGenève.

 

Le film met en scène un groupe de 4 personnages en quête de quelque chose. Empreint·e·s d’une forme d’insouciance dissimulant un état fébrile, iels se rassemblent (Fire), courent (Water), s’entraident (Earth), se dispersent (Air). On suit ce groupuscule humain à travers le filtre d’une caméra qui oriente le regard vers les interactions tissées avec la matérialité de l’espace, ainsi que le vivant qui l’habite et le compose.

 

L’humour qui sous-tend les situations dans lesquelles ces personnages évoluent et qu’iels co-créent, laisse transparaître en filigrane à la fois une quête de lien, le tragique d’une relation au monde fragmentée, et l’absurdité de certains comportements humains.

 

Les 4 éléments sont évoqués de manière subtile et décalée, leur présence et leur influence se manifestant dans les états de corps, les actions, le rythme, ou encore le point de vue de la caméra.

 

Dans Water, c’est le fil continu de l’eau qui est à l’œuvre, mais aussi sa puissance qui emporte tout sur son passage et se fraie un chemin à travers, par-dessus, dessous et autour des obstacles. Une voix vient superposer à l’image des extraits du roman-poème 

 

Les Vagues de Virginia Woolf. Nos vies sont-elles un fleuve tranquille, ou un «flot impétueux de rêves brisés»? Qui a de l’eau? Qui n’en a pas? Que signifient nos corps composés à 70% d’eau? Quelle est la différence entre la sueur et les larmes ?

 

Water a été tourné sur les pontons du quai de Cologny, plateforme circulaire en bois flottante qui suggère les anneaux de Saturne - anneaux composés à 95% de glace d’eau! La caméra filme en un seul plan-séquence, se rapprochant progressivement des corps qui gagnent en intensité, et accompagnant le mouvement circulaire qui les entraîne.

 

L’énergie de l’eau qui ne s’arrête pas, dont la masse est amplifiée dans sa course, emporte nos quatre personnages dans un flux de plus en plus désordonné. Charriant objets, vêtements, accessoires, l’eau dépouille les corps de leurs couches superflues et vaines, laissant place à la nudité et la contemplation.

 

Direction artistique, chorégraphie, réalisation: Lucie Eidenbenz

Collaboration artistique, caméra: David Huwiler

Interprétation: Pauline Huguet, Sofia Kouloukouri, Hervé Munz, Lucie Eidenbenz

Création sonore: Ivan Verda

avec des extraits de Les Vagues, de Virginia Woolf

Production: Association Brøcøliwald

Subventionné par la Ville de Genève

Avec le soutien du FEEIG – Fonds d’encouragement à l’emploi des intermittent·e·s genevois·e·s